L'histoire | Ce chapitre |
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Publié : le 10/02/2013 Ã 19h49 - Mise à jour : le 10/02/2013 Ã 19h49 - Commentaire(s) : 1 - Lecture(s) : 384 - Chapitre(s) : 1 - Mots : 1049 - Complet : non - AMR : Tous publics - Favorite de : 1 - Abonnés à l'histoire : 0 | Publié : le 10/02/2013 Ã 19h49 - Modifié : jamais - Commentaire(s) : 0 - Lecture(s) : 384 - Mots : 1049 |
Divaguage
Résumé : une rêverie sur la plage à marée basse |
Divaguage
Du sable entre les doigts de pieds, je suis en maraude, écrasant ces petits colombins de sable, rejetés par les vers de plage, quand la mer se retire. Je creuse, je tente d’en attraper un. Plus je creuse, moins j’y arrive. Le trou d’eau s’évase, s’envase et se comble. Qu’elle drôle de mécanique !
Aucun vers à l’horizon, je guetterai le rayon vert. Ils sont agiles, ils échappent à mes coups de griffes pelletant violemment le sable. Aussi profond que j’enfonce mes doigts, je ne récolte que du sable et de l’eau, pas le moindre asticot. Les vers sont dans le sable comme les poissons dans l’eau. Ils nagent et filent entre mes doigts.
J’ai trouvé une porcelaine, par hasard. Ces coquillages portent bonheur, parait-il. Eux non plus ne sont pas faciles à trouver, s’ils l’étaient, ils ne porteraient pas bonheur. Ce sont les trèfles à quatre feuilles de la plage. Ils sont vidés de leur hôte, je n’ai jamais vu l’animal qui les habite. Peut-être changent-ils de coquille comme les bernard-l’ermite ? Je n’ai jamais vu de vers des sables non plus, les vers des sables sont-ils les hôtes passagers des porcelaines ?
Ces vers sont-ils vraiment si petits, si mignons ? En réalité, ce sont peut-être des dragons, des dragons des dunes, des vers géants de dune. Ils veillent à ne produire que de discrets colombins, juste pour vous attirer sans vous effrayer. Pour vous intriguer, vous mettre en confiance quand vous êtes seuls sur la plage, au crépuscule. Brutalement, ils jaillissent de leur cachette sablonneuse, pour vous dévorer, en une bouchée. Vous n’avez même pas le temps de comprendre, vous êtes déjà avalés. Comme les grands anacondas, ils ont la digestion lente, beaucoup plus tard, ils feront un colombin, il ne restera rien de vous, que ce petit colombin.
Le sable craque et s’écoule, liquide. Je ramasse la porcelaine. Dans les coquillages on entend la mer. Je la colle à mon oreille. J’entends la mer à l’horizon, non pas dans la porcelaine , une porcelaine c’est minuscule, ça ne fait pas résonner le conduit de l’oreille.
À marée haute, la mer a sculpté la plage puis elle s’est retirée au loin, laissant des petits sillons. Des fossiles de vagues moulées dans le sable humide. Ils dureront le temps d’une marée. Pourtant si je reviens dans douze heures, elles seront encore là, striant la plage de leurs ondulations. Les fossiles ça traversent le temps, on les retrouve intacts des millions d’années plus tard, après bien des marées.
Avec l’eau, rien n’est permanent, les courants, les mouvements de la mer, transportent tout de place en place. Il faudrait faire un relevé des dessins de la plage, en garder l’image. Y reconnaître peut-être les empreintes digitales d’un dragon des sables. Faire un moulage des petites vagues, pour les comparer à celles des marées suivantes. Rechercher s’il existe un endroit de la plage sur lequel on retrouverait le dessin exact du relevé de la marée précédente. Suivre le dragon à la trace, de marée en marée. Ce serait une quête, difficile, comme celle des porcelaines.
Je patauge dans une grande flaque, un trou d’eau abandonné par la mer à marée basse. L’eau me lèche les doigts de pieds. Des petits crabes me les grignotent. Ils sont restés coincés dans ces mares, avec des crevettes. Ils vont devoir attendre le retour de la mer pour être à nouveau libres.
Ils n’ont trop de souci à se faire, elle reviendra, il leur faudra seulement être patients. La mer est réglée comme du papier à musique. Le papier c’est la plage avec ses portées musicales comme des petites vagues de sable, dessinées à marée basse. Où est la musique ? Dans quel coquillage ? Il faut avoir l’oreille fine pour l’entendre. La mer va revenir quand la lune aura fait le tour. Si la mer ne revenait pas ? Si la terre s’arrêtait de tourner ? Si elle se bloquait sur son axe ? Toute mécanique peut gripper, surtout avec l’eau salée de la mer qui est très corrosive. Si la terre s’arrêtait brusquement de tourner, la mer, emportée par son inertie, refluerait sur la plage en un gigantesque tsunami. Les crustacés n’ont vraiment pas de souci à se faire, l’eau reviendra quoiqu’il arrive.
Tout au bout du sable, là où elle s’est arrêtée de descendre, la mer vient chatouiller la plage, de ces vaguelettes. A cheval sur cette frontière mobile, ballottée par l’ondelette, il y a une grosse souche. Un bel enchevêtrement de racines. Elle hésite à s’échouer. Si elle attend trop longtemps, dans son mouvement de va et vient, son indécision va la perdre, elle repartira d’où elle est venue. Elle retrouvera son coin de terre où elle a vu le jour. Quand elle a vu le jour elle était déjà morte, elle a vécu enfouie sous terre. Les vers de terre, font aussi des colombins. Mais leurs colombins à eux, sont invisibles. Sur la terre l’herbe les masque. Pourtant, de temps en temps, là où la terre est à nue et détrempée, on peut voir des colombins. Les vers de terre, j’en ai vu beaucoup, c’est très commun, sans queue ni tête, facile à attraper. Ils sont lents, plutôt patauds, pas comme leurs cousins marins de la plage. Il y a le grand arbre s’agrippant à la terre avec les griffes de ces racines. Il est immobile, en bordure de la plage, majestueux. Les vers lui grignotent le bout de ses racines. Ce n’est pas violent mais à terme c’est efficace. Il finira par mourir et tomber. Si les vers n’en viennent à bout ce sera la mer. La mer grignote la Terre, la plage gagne du terrain. La plage est coincée entre deux frontières. Celle-là parait immobile, elle ne l’est pas, c’est juste un peu plus lent. A force de se faire grignoter, la racine s’est détachée de la Terre, la mer l’a emportée au loin, l’a échoué sur l’autre frontière. Elle est belle cette racine, il faut l’emporter, elle fera bien dans le salon, ça lui donnera une deuxième vie.
Sur la plage on rêve, les pieds dans la vase visqueuse, elle vous glisse entre les doigts, un peu comme dans des sables mouvants mais en moins désagréable. Le soleil se couche et je suis encore en vie. Il va falloir rentrer. Ce soir, j’ai gagné une souche et une nouvelle porcelaine, avec un peu de chance elle me portera bonheur. Un homme m’interpelle ; « du bois pour la cheminée ?». Je ne dis rien, ça prendrait trop de temps. Un coup d’œil à l’horizon, voir la couleur du dernier rayon de soleil. Des vers de sable, des porcelaines, des souches, le rayon vert, à moins de se faire dévorer, il y a de précieuses mais rares occasions de marauder la chance sur la plage, au crépuscule.
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